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L’EHPAD aujourd’hui, l’EHPAD demain : la parole est au terrain


Publié le Mardi 12 Juillet 2022 à 09:53

Pour son dossier sur les 20 ans des EHPAD, Ehpadia est allé à la rencontre des acteurs présents sur le terrain.


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François Vérot, directeur de l’EHPAD Les Cèdres en Haute-Loire et délégué régional FNAQPA Auvergne-Rhône-Alpes

Après ces mois de crise, je crains aujourd’hui que nous accentuions le modèle sanitaire des EHPAD, sans les moyens. Une médicalisation est certes nécessaire, mais cette seule approche dévoie le modèle de l’EHPAD qui s’éloigne des attentes du public. L’EHPAD est un lieu de vie avant tout. Il est essentiel de renforcer les équipes, leur donner du temps pour accompagner leurs habitants dans leur globalité. L’EHPAD de demain devra être riche d’une diversification des profils d’intervenants et des publics accompagnés. Grâce à cela, le secteur du grand âge pourra être plus attractif, mais doit bénéficier d’une véritable filière métier.

Le modèle économique actuel d’une tarification ternaire avec des forfaits soin, dépendance et hébergement est également à bout de souffle. Il mérite d’être rénové pour être revalorisé, rééquilibrer les charges entre les différents budgets et alléger le reste à charge des résidents. Le système de tarification actuel a entraîné une course effrénée au GIR et au Pathos, débouchant sur l’accueil quasi-unique de la grande dépendance. L’EHPAD de demain devra prendre davantage en compte la prévention, la préservation de l’autonomie, le respect de la citoyenneté… autant de leviers d’attractivité pour les usagers et les professionnels. Pour que chaque établissement puisse s’adapter aux demandes de son territoire, il apparaît nécessaire d’offrir plus de souplesse et ne pas retomber dans un modèle unique d’EHPAD.
 

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Didier Carles, directeur de l’EHPAD Saint-Jacques Grenade-Cadours (31) et secrétaire de l’AD-PA

Exerçant depuis presque 30 ans, j’ai été le témoin des changements profonds de nos établissements. Je me souviens de mon premier stage, j’avais alors été choqué par les odeurs, les chambres avec quatre lits, les locaux… En y repensant, je me rends compte du chemin parcouru, en matière de modernisation des locaux, mais aussi d’approche – humanisation de l’accompagnement, formation des équipes. Ce travail sur la qualité de l’hébergement a pourtant été rattrapé par la modification du profil des résidents, désormais plus vulnérables, ce qui a augmenté les besoins en personnel.

La pénurie de personnel qualifié est aujourd’hui criante. D’une manière générale, les EHPAD rencontrent actuellement plusieurs problèmes, manque de personnel, de formation, de moyens… Et ce, alors même que les attentes légitimes des familles, des professionnels de santé et des pouvoirs publics n’ont jamais été aussi fortes. Nous aimerions tous que les repas soient de meilleure qualité, que l’accompagnement soit optimal, qu’il y ait des animations tous les jours… Mais encore faut-il nous en donner les moyens. Ce n’est qu’à cette condition que le secteur du grand âge pourra répondre aux attentes sociétales actuelles.
 

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Guillaume Gontard, aide-soignant remplaçant et président de la Fédération nationale des associations d'aides-soignants (FNAAS)

Que ce soit pour les EHPAD ou le secteur des soins, il est compliqué de poser un constat universel de la situation actuelle. En tant qu’aide-soignant remplaçant, je vois des différences entre les établissements où je suis amené à exercer. Dans certains, le « turn-over » du personnel soignant pose de réelles difficultés pour créer un projet de vie stable, instaurer une routine, travailler en équipe, ou plus simplement partager des informations utiles à la prise en soins des patients et résidents.

Ces problèmes ne sont pourtant pas inhérents à tous les établissements. C’est pour cela que j’insiste : on ne peut pas généraliser. On l’a peut-être fait par le passé, mais il faudrait plutôt se concentrer sur le niveau local. Quelques bonnes pratiques peuvent néanmoins s’appliquer partout : meilleure responsabilisation des soignants, création de postes de responsables aides-soignants, et plus globalement instauration d’un véritable management participatif. Quel que soit notre poste, nous souhaitons tous que notre avis soit pris en compte, or cela n’est pas toujours le cas. Pourquoi les EHPAD n’arrivent-ils pas à sortir de cette verticalité ? C’est toute la contradiction de ces lieux pourtant à taille humaine. Pour que nos métiers attirent, les soignants doivent se sentir écoutés et avoir la possibilité de mieux s’impliquer au quotidien. 
 

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Dr Nathalie Maubourguet, médecin coordonnateur en Gironde et présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs (FFAMCO)

J’ai été parmi les premiers médecins coordonnateurs de Gironde et même de France, et me souviens avoir travaillé dans des « EHPAD-Test », ces établissements choisis pour essayer ce nouveau modèle. Il y avait alors plusieurs dynamiques nouvelles, liées à la création même des EHPAD : modernisation des locaux, professionnalisation du secteur, clarification de l’organisation des soins... La naissance de la fonction de médecin coordonnateur s’inscrit dans la continuité de ces changements, avec un impact réel sur la prise en soin des résidents.

Ces premières années de « pages blanches » ont favorisé une réelle émulation : les médecins coordonnateurs participaient à la création de leur métier. Mais la tendance s’est inversée depuis une dizaine d’années. Nous n’avons aujourd’hui plus les moyens d’exercer conformément aux recommandations de bonnes pratiques. Les budgets en baisse et le manque d’effectifs ont des conséquences au quotidien, sur tout le secteur. Le prochain gouvernement doit prendre toute la mesure de l’urgence, et surtout donner aux professionnels dans les EHPAD les moyens de travailler en toute dignité.
 

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Nathalie Mestre Abrahamme, animatrice en un EHPAD en Provence-Alpes-Côte d’Azur et membre du Groupement des animateurs en gérontologie (GAG)

J’interviens depuis dix ans dans un EHPAD associatif et suis donc en relation avec toutes les personnes au sein et autour de l’établissement : les résidents, le personnel de service, les soignants, les familles, les intervenants et les structures extérieures. Mon métier a beaucoup évolué sur la coordination des actions de cohésion sociale entre ces différents acteurs et c’est normal, nous sommes avant tout des travailleurs sociaux. Dans cette même optique, j’ai mis un point d’honneur à entretenir et à renforcer les échanges avec les structures extérieures et les aidants. Ces échanges réguliers sont à mon sens essentiels pour maintenir les liens sociaux et intergénérationnels et permettre aux résidents de se sentir bien dans leur lieu de vie : un espace chaleureux et ouvert à tous !

Aujourd’hui, mon principal problème est le manque de temps et l’absence d’un binôme pour gérer toutes ces actions. Malgré une réorganisation impliquant l’ensemble du personnel dans des activités d’accompagnement, la suppression d’un second poste d’animateur se fait cruellement ressentir. Le personnel, certes soucieux du bien-être des résidents ne peut qu’intervenir en appui. Si son soutien est utile et complémentaire, il ne doit pas faire oublier que les EHPAD ont besoin de professionnels formés pour assurer le travail en amont, la mise en place et le suivi des projets d’animations, répondre de façon adaptée aux souhaits des résidents et apporter une prise en charge de qualité. Le bien-être du résident en dépend aussi très largement.

Article publié dans le numéro d'avril d'Ehpadia à consulter ici



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